« À l’institut de formation, on nous apprend à faire une toilette en vingt minutes. En réalité, elles ne durent jamais plus de sept minutes », regrette François-Guillaume*, aide-soignant dans plusieurs Ehpad de la région rennaise. Cette toilette expéditive, les équipes lui ont même donné un nom : la VMC, pour “visage, main, cul”. Comment respecter l’intimité des résidents en leur consacrant une poignée de minutes ? « Nous ne pouvons pas. Nous n’avons pas le temps », reconnaît François-Guillaume. En raison du manque de moyens humains et financiers dans le secteur gériatrique, les techniques apprises au cours de la formation pour préserver l’intimité et la dignité des personnes âgées ne sont que très peu souvent appliquées. En théorie, le résident n’est jamais complètement nu. Les équipes utilisent des serviettes conçues pour ne jamais exposer les parties génitales et ne découvrir qu’une partie du corps à la fois. Mais, « en général ils sont allongés sur le lit avec un simple linge qui recouvre le sexe », déplore l’aide-soignant. Cette désacralisation de l’intimité peut entraîner une perte de repères. À force d’être déshabillés chaque jour, parfois plusieurs fois, et par des personnes différentes, il arrive que certains résidents se désinhibent.
Gêne et gestes déplacés
Au croisement improbable de l’intime et du professionnel, la toilette tisse entre soignants et résidents une relation bien particulière, empreinte de gêne et de honte. La différence d’âge y est pour beaucoup. « Un jour, j’ai eu une fille qui avait à peine dix-huit ans, et je l’ai priée de sortir. J’avais presque honte », raconte Lucien*, 92 ans, résident d’un Ehpad à l’ouest de Rennes. « C’est difficile, poursuit-il. On se sent déchoir complètement. On a l’impression qu’on se fait faire sa toilette par son arrière-petite-fille. » La mixité aussi peut être un problème. Certaines femmes sont profondément réticentes à ce qu’un homme s’occupe d’elles. Face à de telles situations, Fabien, aide-soignant tente de les rassurer : « Je leur dis que je connais mon métier, que je fais ça tous les jours. »
Il arrive aussi que, passée la gêne, ce temps de soin devienne un moment de désir, voire de plaisir. « L’une des résidentes dont je m’occupe régulièrement exprime clairement son plaisir lors de la toilette intime. Elle m’a même mis une main aux fesses, une fois », s’amuse l’aide-soignant pour qui ce genre de situation est très ponctuelle.