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Galipettes

sous surveillance

Nadine Murat-Charrouf occupe le poste de médecin coordonnatrice
à l’Ehpad Maison de Saint-François, à Rennes. Spécialisée en gériatrie, elle travaille au sein de ce service au CHU de Rennes.

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*Procédé thérapeutique permettant d’immobiliser un membre, de comprimer des tissus ou de protéger un malade agité.

L'Ehpad est un village où aides-soignants et résidents se côtoient tous les jours. En théorie, la relation intime ne doit être abordée par l'équipe soignante que lorsqu'elle constitue un trouble physique ou psychologique. Mais la peur du risque est tellement présente que mêmes les sexualités connues et consenties font l'objet d'échanges en réunion.

 

Tout se joue durant les “transmissions”, ces temps d’échange quotidiens au cours desquels les équipes de jour et de nuit se passent le relais et se tiennent au courant des événements des dernières heures. On y parle des malades de la nuit, des humeurs des patients, des rendez-vous de la journée… Nadine Murat-Charrouf, médecin coordonnatrice en Ehpad, sur le bord du canal Saint-Martin, à Rennes, explique qu'on lit toujours : « Madame Unetelle et Monsieur Untel sont restés enfermés trois heures dans une chambre, même si leur sexualité est acceptée et non-problématique. » Évoquer en transmission l'intimité revient à la faire basculer dans le champ d'action du personnel, et donc à la considérer comme publique. Alors que, pourtant, « la sexualité n'est pas un trouble », rappelle la praticienne.

Chapitre 4

Chapitre 4

Pour protéger, les équipes sont prêtes à empiéter sur la liberté et sur la vie intime.

« Le terme ''acte sexuel'', en quinze ans, je ne l'ai jamais entendu comme tel en réunion. »

Relations extra-conjugales

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Psychiatre et sexologue, Gérard Ribes est enseignant-chercheur et

directeur de l’enseignement de sexologie à l’université Lyon 1. La plupart

de ses travaux portent sur la sexualité et le vieillissement.

Responsable promotion de la santé au sein du groupe mutualiste Radiance

Humanis, Marick Fèvre est l’une des références françaises sur la vie affective et sexuelle des personnes âgées. Elle a co-dirigé l’ouvrage

Amours de vieillesse.

Consentement et sénilité

Un tabou difficile à formuler

 

Il y a d'un côté les transmissions écrites, et de l'autre les échanges oraux, plus informels. Lorsqu'on lui demande si la sexualité des personnes âgées est davantage abordée de manière verbale qu'inscrite noir sur blanc, Nadine Murat-Charrouf acquiesce en souriant. Pas si facile non plus à l'oral, où le sujet n'est évoqué qu'à demi-mot : « Le terme ''acte sexuel'', en quinze ans, je ne l'ai jamais entendu comme tel en réunion. »

Le dialogue entre le personnel et les résidents sur les questions sexuelles est inexistant. Tant qu'il reste tabou, le sexe, source d'épanouissement y compris dans le grand âge, demeure enfermé dans ce carcan médical où, en revanche, la protection est exacerbée.

« Le terme ''acte sexuel'', en quinze ans, je ne l'ai jamais entendu comme tel en réunion. »

Priorité sécurité

 

Des lits ceints de barrières métalliques, des déambulateurs munis de freins, des boutons que l’on peut presser à tout moment pour appeler le personnel… En Ehpad, la sécurité est la priorité. Et le danger, une crainte permanente. Les risques, liés à d'éventuelles “galipettes”, pris par les usagers, ne sont pas vus comme l’expression de leur liberté individuelle, mais comme une menace.

Pour protéger, les équipes sont prêtes à empiéter sur la liberté et sur la vie intime. « On a une dame dont la famille avait refusé qu’on la mette sous contention*. Un jour, elle est tombée, et s’est fracturé le col du fémur », raconte Fabien Gillet, aide-soignant dans plusieurs établissements de la région rennaise. « [À son retour de l’hôpital], elle était de nouveau en capacité de marcher. Mais, pour éviter qu’elle rechute et se recasse quelque chose, on l’a attachée. » Et de conclure que, si cette personne avait des désirs de sexualité, sa nouvelle situation l'aurait empêchée de les assouvir.

 

Mieux vaut prévenir que guérir

 

Pour Marick Fèvre, co-auteur de Amours de vieillesse, il existe aussi un décalage important entre la menace du viol, « brandie par toutes les directions d’Ehpad » et la réalité, « ça arrive très rarement ». L'obsession de la prévention n'y est sans doute pas pour rien. Des mesures de sécurité importantes, c’est autant de risques judiciaires en moins.

Pour protéger, les équipes sont prêtes à empiéter sur la liberté et sur la vie intime.

Les agressions sexuelles font partie des peurs quant aux risques encourus. « On craint de passer à côté d'abus sexuels, de violences. C'est toujours la question du consentement qui revient », justifie Véronique Griner-Abraham, médecin psychiatre au CHRU de Brest et auteure du livre Vieillissimo. Marick Fèvre, spécialiste de la sexualité des personnes âgées, estime quant à elle que cette crainte est exagérée. 
« Dans tous les Ehpad, on a déjà été témoins de toute la drague entre deux résidents et, un jour, on les retrouve dans le même lit. Et là, d’un coup, on se demande s'ils étaient consentants », ironise-t-elle.

 

Il n’est pourtant pas nécessaire d’attendre une relation sexuelle pour savoir si la personne âgée est en capacité de dire non. Selon Gérard Ribes, psychiatre et sexologue, les refus formulés sur des éléments du quotidien, comme la nourriture ou la toilette, en sont déjà de bons indicateurs. L'Ehpad des Jardins du Castel, à Châteaugiron (Ille-et-Vilaine), s'est penché sur la question, et a créé un guide de recherche du consentement pour les professionnels. Rappelons que, même dans les cas de mise sous tutelle ou de pathologies provoquant des troubles cognitifs, la loi protège la vie privée de l'individu, toujours libre de ses choix.

Un tabou difficile à formuler

 

Il y a d'un côté les transmissions écrites, et de l'autre les échanges oraux, plus informels. Lorsqu'on lui demande si la sexualité des personnes âgées est davantage abordée de manière verbale qu'inscrite noir sur blanc, Nadine Murat-Charrouf acquiesce en                                     souriant. Pas si facile non plus à l'oral, où le sujet n'est                                 évoqué qu'à demi-mot : « Le terme ''acte sexuel'', en                                   quinze ans, je ne l'ai jamais entendu comme tel en                                     réunion. » Le dialogue entre le personnel et les résidents                           sur les questions sexuelles est inexistant. Tant qu'il reste                           tabou, le sexe, source d'épanouissement y compris dans                           le grand âge, demeure enfermé dans ce carcan médical                           où, en revanche, la protection est exacerbée.

 

Priorité sécurité

 

Des lits ceints de barrières métalliques, des déambulateurs munis de freins, des boutons que l’on peut presser à tout moment pour appeler le personnel… En Ehpad, la sécurité est la priorité. Et le danger, une crainte permanente. Les risques, liés à d'éventuelles “galipettes”, pris par les usagers, ne sont pas vus comme l’expression de leur liberté individuelle, mais comme une menace.

Pour protéger, les équipes sont prêtes à empiéter sur la liberté et sur la vie intime. « On a une dame dont la famille avait refusé qu’on la mette sous contention*. Un jour, elle est tombée, et s’est fracturé le col du fémur », raconte Fabien Gillet, aide-soignant dans plusieurs établissements de la région rennaise. « [À son retour de l’hôpital], elle était de nouveau en capacité de marcher. Mais, pour éviter qu’elle rechute et se recasse quelque chose, on l’a attachée. » Et de conclure que, si cette personne avait des désirs de sexualité, sa nouvelle situation l'aurait empêchée de les assouvir.

 

Mieux vaut prévenir que guérir

 

Pour Marick Fèvre, co-auteure de Amours de vieillesse, il existe aussi un décalage important entre la menace du viol, « brandie par toutes les directions d’Ehpad » et la réalité, « ça arrive très rarement ». L'obsession de la prévention n'y est sans doute pas pour rien. Des mesures de sécurité importantes, c’est autant de risques judiciaires en moins.

 

Les agressions sexuelles font partie des peurs quant aux risques encourus. « On craint de passer à côté d'abus sexuels, de violences. C'est toujours la question du consentement qui revient »,
justifie Véronique Griner-Abraham, médecin psychiatre au
CHRU de Brest et auteure du livre Vieillissimo. Marick
Fèvre, spécialiste de la sexualité des personnes
âgées, estime quant à elle que cette crainte est exagérée. 

« Dans tous les Ehpad, on a déjà été témoins de toute la drague entre deux résidents et, un jour, on les retrouve dans le même lit. Et là, d’un coup, on se demande s'ils étaient consentants », ironise-t-elle.

 

Il n’est pourtant pas nécessaire d’attendre une relation sexuelle pour savoir si la personne âgée est en capacité de dire non. Selon Gérard Ribes, psychiatre et sexologue, les refus formulés sur des éléments du quotidien, comme la nourriture ou la toilette, en sont déjà de bons indicateurs. L'Ehpad des Jardins du Castel, à Châteaugiron (Ille-et-Vilaine), s'est penché sur la question, et a créé un guide de recherche du consentement pour les professionnels. Rappelons que, même dans les cas de mise sous tutelle ou de pathologies provoquant des troubles cognitifs, la loi protège la vie privée de l'individu, toujours libre de ses choix.

Galipettes sous surveillance

Chapitre 3

Chapitre 5

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Ehpad

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