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Un salon, une vue sur le jardin et surtout, une chambre. Pour six à soixante-douze heures, les détenus peuvent goûter à leur vie d’avant et retrouver une sexualité. Les Unités de vie familiale (UVF), des petits appartements situés dans l’enceinte de la prison, tentent de créer au maximum l’illusion d’être dehors. Les surveillants y font des passages espacés de plusieurs heures et annoncent leur arrivée, contrairement aux parloirs, où un hublot permet une surveillance constante.
Officiellement, les UVF sont le seul moyen d’avoir des relations sexuelles avec une personne de l’extérieur, si bien qu’à chaque fois que la sexualité en prison est abordée, la première réponse est toujours la même : « UVF ». Après une tentative échouée dans les années quatre-vingt puis une expérimentation réussie à Rennes en 2003, les unités ont fini par convaincre. D’après Dominique Raimbourg, ex-président de la commission des lois et rapporteur de la loi Taubira, les modules emportent l’unanimité auprès du personnel politique. Force est de constater que chez la plupart des personnes interrogées, surveillants, administration ou détenus, les UVF sont saluées comme une avancée majeure pour la prise en compte de la sexualité des détenus.
La présence d’UVF dans une prison, si elle est appréciée, n’est pas une solution miracle. À Vezin-le-Coquet (Ille-et-Vilaine) par exemple, il y a trois UVF pour un peu plus de 800 détenus. Conséquence : « Pour y prétendre, il faut avoir une tenue irréprochable en prison », explique Serge*, surveillant de l'établissement. « Quand on a trois parloirs par semaine, c’est quasiment impossible d’obtenir une UVF. Les détenus qui voient rarement leur famille sont prioritaires. » Les UVF sont présentées comme la solution idoine pour permettre aux détenus de maintenir une vie affective et sexuelle. Dans les faits, c’est une solution d’appoint. Grâce aux UVF, seuls certains détenus, au sein d’une minorité de prisons, peuvent avoir des relations, une fois par mois dans le meilleur des cas.
Pourtant, aucune alternative n’est proposée. Côté politique, le sujet est considéré comme réglé. Les UVF permettent aux détenus d’avoir une vie sexuelle, pas besoin d’aller plus loin. De l’aveu de Dominique Raimbourg, personne ne cherche à savoir si d’autres solutions pourraient être satisfaisantes. L’administration pénitentiaire ne se pose pas non plus vraiment la question. D’après Paul*, surveillant à Vezin, « la sexualité est interdite, donc on ne peut pas avoir de réflexion sur quelque chose qui n’est pas censé exister. C’est ça qui est pervers. »
Les alternatives ne sont pas à trouver en prison. Marie-Anne Chapdelaine, ex-députée PS d’Ille-et-Vilaine, participait au groupe d'études de l’assemblée nationale sur les conditions carcérales. Elle résume : « Les UVF ne sont pas l’alpha et l’oméga. Il faut plutôt travailler sur les aménagements de peine, les permissions de sortie, des solutions personnalisées. » Cette position résume bien ce qu’est la sexualité en détention. Tout aménagement à l’intérieur de la prison est un pis-aller ; pour avoir une vie sexuelle normale, il faut sortir.
* Les prénoms ont été modifiés
Manuel*, le compagnon d’Isabelle*, est en prison depuis dix ans. Le couple n’envisageait pas le sexe au parloir. Trop inconfortable, trop dégradant et surtout trop risqué. « Des détenus se sont retrouvés privés de visite parce qu’ils s’étaient faits surprendre », témoigne Isabelle. L’UVF permet, elle, de prendre son temps. « On a le droit de dormir à deux, de passer la nuit ensemble, ça change tout », poursuit-elle. Les parloirs sont souvent l’occasion de voir ses enfants et leur présence rend difficile tout acte sexuel. Dans les unités de vie familiale, la chambre est séparée de la pièce de vie et les enfants peuvent prendre l’air sur un patio.
Pourtant, de nombreuses prisons ne disposent pas encore de ces structures. Selon l’OIP (Observatoire international des prisons), seuls 38 des 187 établissements pénitentiaires français en sont pourvus. Principale raison invoquée : le manque de moyens. Construction, entretien, les UVF coûtent cher. Dominique Raimbourg explique que lors de la construction d’une prison neuve, des UVF sont automatiquement prévues, mais il est difficile de les étendre aux centres de détention existants. Le directeur adjoint d'une maison d’arrêt d’Île-de-France précise que dans les structures où les détenus ne restent pas longtemps, la construction d’une UVF est loin d’être prioritaire.
Les contraintes budgétaires ne sont pas le seul obstacle au déploiement du dispositif. D’après Lydia Trouvé du PRP, un syndicat de prisonniers, les réticences qui existaient au lancement des UVF sont encore présentes chez certains membres de l’administration pénitentiaire. « On sent que ça les agace, que ça leur complique la vie. Ils estiment qu’ils ne sont pas là "pour nous voir baiser". Pour certains, quand on a été punis, ce n’est pas normal qu’on puisse avoir un accès à sa famille. »
« Pour certains, quand on a été punis, ce n’est pas normal qu’on puisse avoir un accès à sa famille. »
Michel Beuzon a réalisé toute sa carrière dans l’administration pénitentiaire. En 2003, il est nommé directeur de la prison des femmes de Rennes. Michel Beuzon a également été secrétaire général du syndicat majoritaire des directeurs de prison.
Manuel*, le compagnon d’Isabelle*, est en prison depuis dix ans. Le couple n’envisageait pas le sexe au parloir. Trop inconfortable, trop dégradant et surtout trop risqué. « Des détenus se sont retrouvés privés de visite parce qu’ils s’étaient faits surprendre », témoigne Isabelle. L’UVF permet, elle, de prendre son temps. « On a le droit de dormir à deux, de passer la nuit ensemble, ça change tout », poursuit-elle. Les parloirs sont souvent l’occasion de voir ses enfants et leur présence rend difficile tout acte sexuel. Dans les unités de vie familiale, la chambre est séparée de la pièce de vie et les enfants peuvent prendre l’air sur un patio.
Pourtant, de nombreuses prisons ne disposent pas encore de ces structures. Selon l’OIP (Observatoire international des prisons), seuls 38 des 187 établissements pénitentiaires français en sont pourvus. Principale raison invoquée : le manque de moyens. Construction, entretien, les UVF coûtent cher. Dominique Raimbourg explique que lors de la construction d’une prison neuve, des UVF sont automatiquement prévues, mais il est difficile de les étendre aux centres de détention existants. Le directeur adjoint d'une maison d’arrêt d’Île-de-France précise que dans les structures où les détenus ne restent pas longtemps, la construction d’une UVF est loin d’être prioritaire.
Les contraintes budgétaires ne sont pas le seul obstacle au déploiement du dispositif. D’après Lydia Trouvé du PRP, un syndicat de prisonniers, les réticences qui existaient au lancement des UVF sont encore présentes chez certains membres de l’administration pénitentiaire. « On sent que ça les agace, que ça leur complique la vie. Ils estiment qu’ils ne sont pas là "pour nous voir baiser". Pour certains, quand on a été punis, ce n’est pas normal qu’on puisse avoir un accès à sa famille. »
« Pour certains, quand on a été punis, ce n’est pas normal qu’on puisse avoir un accès à sa famille. »
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Arnaud Gaillard est sociologue à Paris V. Sa thèse de doctorat, sur la sexualité en prison, a fait l’objet d’un livre publié en 2009 : Sexualité et prison - Désert affectif et désirs sous contrainte. Il milite activement contre la peine de mort.
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