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Tu veux

ou tu veux pas ?

Chapitre 2

Zone grise

 

La direction de Guillaume-Régnier elle-même confesse toute la difficulté qu’elle a à intervenir dans la vie sexuelle d’une personne. Anaïs Jehanno, directrice adjointe, est au courant des pratiques de troc sexuel. À demi-mot, elle avoue fermer les yeux. Même pour les individus sous tutelle ou curatelle, le consentement sexuel reste une affaire privée. Quand bien même on craint leur manque de lucidité,                            le fait d’intervenir peut contrevenir à leurs droits. « Si on                             constate une agression, on signale », affirme-t-elle.
                       Au-delà de l’appel aux forces de l’ordre, elle ne peut faire                          grand-chose : « Nous ne sommes pas juges, nous ne                                  sommes pas policiers. Tout ce qui est en notre pouvoir,                              c’est les appeler, et les séparer en les plaçant dans des                              services différents. »

 

                       Les personnes internées en HP sont fragiles, vulnérables.                          L’hôpital psychiatrique peut représenter un sas de                                      sécurité. Aussi, Anaïs Jehanno met en garde contre l’intrusion de certains individus : « Il y a des gens qui traînent, qui rôdent, qui viennent régulièrement repérer des proies faciles. Dans ce cas là, on fait également un signalement au procureur si on constate un prédateur délibéré. »

 

Autre genre d’intrusion, celle des familles. Les patients internés voient souvent leurs parents s’imposer dans leur vie. Consentement ou pas, il s’agit pour ceux-ci de préserver leur proche du danger.

Au cas par cas

 

Depuis l’affaire Cadillac en 2012, il est interdit de prohiber la sexualité en hôpital psychiatrique. Certes. Mais qu’en est-il de la non-assistance à personne en danger ? Comment établir la différence entre une relation consentie et une agression ? Aurélien raconte qu’il a parfois affaire à des cas ambigus. Comme l’histoire de cet homme, qui insiste auprès d’une femme. Elle en a envie, elle dit oui. Mais l’homme veut davantage, l’oppresse. « Alors, elle l’accuse de viol, pour qu’il la lâche », suppose Aurélien. Afin de résoudre le litige et de dévoiler la vérité, une réunion entre médecins et soignants est organisée. Les antécédents des intéressés, leur pathologie, les témoignages du personnel… Tout est discuté pour savoir s’il s’agit d’un cas de harcèlement ou d’agression sexuelle. Généralement, l’affaire finit en douceur. On change les personnes concernées de service, de sorte qu’elles ne se croisent plus. « Par contre, quand il s’agit d’un mineur, on est stricts dès le départ, prévient Aurélien. On organise une réunion avant même qu’il y ait une relation. »

 

Anticipation pour les mineurs, mise en doute pour les adultes : rien n’est moins simple que la question du consentement quand il s’agit des malades psychiques. « Dès lors que quelqu’un se trouve en institution, il est traité comme incapable au sens large. Incapable au point de ne pas savoir s’il a envie ou pas ! », s’indigne Jean-Luc Letellier. Le cofondateur du Crédavis, association pour l’épanouissement sexuel en institutions médico-sociales, préconise que l’on fasse confiance aux patients. Après tout, avant d’être bipolaires, anorexiques, schizophrènes, ce sont des personnes avec des sentiments, des émotions, des désirs.

Une jeune patiente sort d’un petit buisson, derrière la cafétéria. Les yeux baissés, les joues rouges. Un résident lui emboîte le pas. Il remonte sa braguette et passe devant elle sans la regarder. Elle coince une cigarette entre ses lèvres, soupire de soulagement. Elle observe, songeuse, les gens aller et venir dans le hall d’accueil. Des histoires comme celle-ci, les habitués du centre hospitalier Guillaume-Régnier, à Rennes, en racontent à la pelle. On appelle ça le troc sexuel.

 

Le troc sexuel. Une pratique courante, quotidienne, dans la vie en hôpital psychiatrique. Aurélien*, aide-soignant, affirme que ces échanges peu conventionnels sont bien connus du personnel. Les patients l’avouent eux-mêmes lorsqu’on leur pose la question. « Mais, en même temps, c’est consenti. Qu’est-ce qu’on peut faire à part leur dire de se protéger ? », se dédouane Aurélien. Il confie se sentir parfois impuissant : « Mes collègues m’en ont parlé à mon arrivée, seulement pour que je ne sois pas choqué. On n’a aucune ligne de conduite à suivre. Alors clairement, oui, on ferme les yeux. »

« Dès lors que quelqu’un se trouve en institution, il est traité comme incapable au point de ne pas savoir s’il a envie ou pas ! »

Au cas par cas

Anne-Hélène Moncany est psychiatre. Elle travaille en hôpital psychiatrique en CRIAVS (Centre de Ressources pour les Intervenants auprès des Auteurs des Violences Sexuelles). Elle travaille également à l'UHSA, une Unité Hospitalière Spécialement Aménagée pour les détenus ayant besoin de services en psychiatrie.

Jean-Luc Letellier est le co-fondateur du CREDAVIS, Centre de Recherche et d’Etudes pour le Droit et l’Accès à la Vie Sexuelle. Il est l’auteur de Leur sexualité n’est pas un handicap

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Zone grise

 

La direction de Guillaume-Régnier elle-même confesse toute la difficulté qu’elle a à intervenir dans la vie sexuelle d’une personne. Anaïs Jehanno, directrice adjointe, est au courant des pratiques de troc sexuel. À demi-mot, elle avoue fermer les yeux. Même pour les individus sous tutelle ou curatelle, le consentement sexuel reste une affaire privée. Quand bien même on craint leur manque de lucidité, le fait d’intervenir peut contrevenir à leurs droits. « Si on constate une agression, on signale », affirme-t-elle. Au-delà de l’appel aux forces de l’ordre, elle ne peut faire grand-chose : « Nous ne sommes pas juges, nous ne sommes pas policiers. Tout ce qui est en notre pouvoir, c’est les appeler, et les séparer en les plaçant dans des services différents. »

« Dès lors que quelqu’un se trouve en institution, il est traité comme incapable au point de ne pas savoir s’il a envie ou pas ! »

Les personnes internées en HP sont fragiles, vulnérables. L’hôpital psychiatrique peut représenter un sas de sécurité. Aussi, Anaïs Jehanno met en garde contre l’intrusion de certains individus : « Il y a des gens qui traînent, qui rôdent, qui viennent régulièrement repérer des proies faciles. Dans ce cas là, on fait également un signalement au procureur si on constate un prédateur délibéré. »

 

Autre genre d’intrusion, celle des familles. Les patients internés voient souvent leurs parents s’imposer dans leur vie. Consentement ou pas, il s’agit pour ceux-ci de préserver leur proche du danger.

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Hôpital psychiatrique
Tu veux ou tu veux pas ?

"Leur intimité, ça ne nous regarde pas ! "

Hôpital psychiatrique Tu veux ou tu veux pas ?

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