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Retour aux portes

Débat nié,
ébats bridés

Chapitre 3

« On vous regarde comme un malpropre, comme un pervers. Moi, cela me fend le cœur quand on me regarde comme ça, mais vous savez que vous ne pouvez rien faire contre la société », lâche Julien, les larmes aux yeux. Le tabou provoque de la souffrance chez les personnes handicapées. Julien a vécu sa première fois à trente-cinq ans avec une assistante sexuelle, la seule façon pour lui de gagner en confiance… Julien souffre d’un syndrome rare qui l’empêche de se déplacer normalement. Il a l’impression d’être perçu comme asexué, voire déviant. Un « être à part », dans le regard des gens au quotidien. Dans le discours médiatique, il se sent moqué, pointé du doigt.

Que font les politiques ?

 

« Promouvoir une vision positive de la sexualité des personnes en situation de handicap tout au long de la vie en prenant en compte le droit à l’intimité, la vie relationnelle et sexuelle » : l’objectif du                                     nouveau plan d’action de l’Agence régionale de santé                             (ARS) bretonne concernant les personnes handicapées                             est pour le moins ambitieux.

 

                        Voilà six ans qu’un groupe de travail régional rassemble                             une quarantaine d’acteurs venus de tous les horizons                                pour réfléchir au plan d’action « Vie Affective et                                            Sexuelle » 2018-2022. Déclinaison du                                                               programme national de santé sexuel, celui-ci est une                             mini-révolution puisque c’est la première fois que la                                   thématique est abordée de façon autonome. Le docteur Jean-Pierre Épaillard, à la tête du groupe de travail, reconnaît le retard français : « c’est pour cela que l’on se sert de ce qui a été fait à côté », en Allemagne, en Suisse, en Belgique ou au Canada par exemple. La ministre de la Santé ayant fait de cette thématique une « priorité », il se veut optimiste.

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Michaël Jérémiasz est un joueur de tennis paralympique médaillé à quatre reprises. Il est aussi le porte-drapeau de la délégation française aux Jeux Paralympiques 2016. Figure médiatique, il milite pour une plus juste représentation des personnes en situation de handicap.

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Outils iconographiques utilisés pendant les formations et mis au point par l'Agence Régionale de Santé.

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Former, former, former

 

Autre constat pour le médecin inspecteur de santé publique, la parole se libère petit à petit sur le sujet. « On reçoit quand même de plus en plus de plaintes et de signalements par rapport à la santé sexuelle en établissements », explique-t-il. Les centres d’hébergement accueillent de nombreuses personnes handicapées dépendantes, ainsi que beaucoup d’enfants et adolescents déficients. Hauts lieux d’éducation, ils sont les premières cibles des politiques mises en place.

 

Dans les faits, l’ARS souhaite que l’ensemble des établissements reçoit une formation « Vie Affective et Sexuelle », tous handicaps confondus. Jean-Pierre Épaillard prédit encore un long chemin à parcourir : « La sexualité des personnes handicapées est encore traitée comme un problème. Certains personnels soignants pensent qu’elles n’ont pas à avoir de sexualité. Il y a aussi des représentations sur le handicap mental qui datent du Moyen-Âge. La notion d’âge mental fausse les représentations ».

 

Outre les formations qui sont la pierre angulaire du programme, l’ARS entend distribuer de la documentation rappelant la nécessité de respecter toutes les libertés des personnes en situation de handicap. Un moyen pour l’agence régionale d’affirmer un droit à la vie affective et sexuelle.

Outils iconographiques utilisés pendant les formations et mis au point par l'ARS

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Médecin inspecteur de santé publique, Jean-Pierre Epaillard est à la tête du groupe de travail « Vie affective et sexuelle » de l'agence régionale de santé bretonne.

Pierre Brasseur est docteur en sociologie à Lille 1. Sa thèse s'intitule : L'invention de l'assistance sexuelle : sociohistoire d'un problème public français.

« On vous regarde comme un malpropre, comme un pervers. Moi, cela me fend le cœur quand on me regarde comme ça. »

« Chez certains personnels soignants, il y a des représentations sur le handicap mental qui datent du Moyen-Âge. »

Des solutions ? 

La représentation

Intégration de la norme

Et aux États-Unis ?

« Il y a quelques années, une jeune femme atteinte de trisomie 21 s’est rendue dans mon cabinet », se souvient Laurence Monnier-Saillol, avocate spécialisée dans le domaine du handicap. « Elle avait vingt-six ans et souhaitait avoir un enfant », poursuit-elle, « mais ne réussissant pas à tomber pas enceinte, elle a consulté un médecin pour faire des examens ». C’est alors que la jeune femme trisomique apprend qu’elle est stérile. « Les professionnels de santé l’ont informé qu’à l’âge de treize ans, à la demande de ses parents, on lui avait ligaturé les trompes, pour qu’elle ne tombe jamais enceinte », explique l’avocate. Cette situation est pourtant loin d’être isolée. Aujourd’hui, l’ingérence dans la procréation des personnes en situation de handicap, bien que de moindre ampleur, est encore d’actualité. Or depuis juillet 2001, ces pratiques sont illégales.


 

Obligation d’enfanter

 

Longtemps, la question de la vie sexuelle était principalement abordée sous l’angle de la procréation, laissant peu de place aux personnes en situation de handicap. « Nous avons eu une période dans notre histoire où les personnes handicapées étaient ignorées, cachées.

 

 

 

 

 

 

Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. On essaye de leur trouver, du mieux qu’on peut, une place dans la société » rapporte Myriam Besse, coordinatrice en santé sexuelle au Réseau Louis-Guilloux (association de prise en charge des patients atteints de VIH). Elle explique cette obsession de la procréation notamment par l’influence de la religion : « L’un des objectifs de la religion catholique était de pouvoir contrôler la chair, de sorte que l’Homme se multiplie sur Terre ». Mais aussi par un contexte dans lequel l’espérance de vie était plus faible et la mortalité infantile plus élevée. Les personnes en situation de handicap étaient stérilisées de force, contraintes à la contraception, tant la crainte de la reproduction de leur handicap était présente.


 

Libération sexuelle pour tous ?

 

Dans les années 70, alors que la libération sexuelle bat son plein, on envisage enfin la possibilité d’une sexualité plaisir pour les personnes handicapées. « Les avancées de la société en matière de contraception démontrent la capacité d’accepter une sexualité qui n’est pas à but procréatif, puisqu’on va limiter les naissances. On devient donc en capacité d’accepter la sexualité d’individus de même sexe, des personnes âgées, de celles en situation de handicap… », commente Myriam Besse.

Ce virage dans la prise en compte de la sexualité des personnes en situation de handicap est également perceptible à l’écran. Ces dix dernières années, plusieurs films ont abordé la thématique : Patients, Intouchables, The Sessions, De Rouille et d’os, ou plus récemment, Tout le monde debout…

Intégration des normes

Que font les politiques ?

 

« Promouvoir une vision positive de la sexualité des personnes en situation de handicap tout au long de la vie en prenant en compte le droit à l’intimité, la vie relationnelle et sexuelle » : l’objectif du nouveau plan d’action de l’Agence Régionale de Santé (ARS) bretonne concernant les personnes handicapées est pour le moins ambitieux.

 

Voilà six ans qu’un groupe de travail régional rassemble une quarantaine d’acteurs venus de tous les horizons pour réfléchir au plan d’action « Vie Affective et Sexuelle » 2018-2022. Déclinaison du programme national de santé sexuelle, celui-ci est une mini-révolution puisque c’est la première fois que la thématique est abordée de façon autonome. Le docteur Jean-Pierre Épaillard, à la tête du groupe de travail, reconnaît le retard français : « c’est pour cela que l’on se sert de ce qui a été fait à côté », en Allemagne, en Suisse, en Belgique ou au Canada par exemple. La ministre de la Santé ayant fait de cette thématique une « priorité », il se veut optimiste.

  « Il y a quelques années, une jeune femme atteinte de trisomie 21 s’est rendue dans mon cabinet », se souvient Laurence Monnier-Saillol, avocate spécialisée dans le domaine du handicap. « Elle avait vingt-six ans et souhaitait avoir un enfant », poursuit-elle, « mais ne réussissant pas à tomber enceinte, elle a consulté un médecin pour faire des examens ». C’est alors que la jeune femme trisomique apprend qu’elle est stérile. « Les professionnels de santé l’ont informé qu’à l’âge de treize ans, à la demande de ses parents, on lui avait ligaturé les trompes, pour qu’elle ne tombe jamais enceinte », explique l’avocate. Cette situation est loin d’être isolée. L’ingérence dans la procréation des personnes en situation de handicap, bien que de moindre ampleur, est encore d’actualité. Or depuis juillet 2001, ces pratiques sont illégales.

 

Obligation d’enfanter

 

Longtemps, la question de la vie sexuelle était principalement abordée sous l’angle de la procréation, laissant peu de place aux personnes en situation de handicap. « Nous avons eu une période  dans notre histoire où les personnes handicapées étaient ignorées,                            cachées. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. On essaye de                              leur trouver, du mieux qu’on peut, une place dans la                                  société » rapporte Myriam Besse, coordinatrice en santé                            sexuelle au Réseau Louis-Guilloux (association de prise                             en charge des patients atteints de VIH). Elle explique                                cette obsession de la procréation notamment par                                      l’influence de la religion : « L’un des objectifs de la                                        religion catholique était de pouvoir contrôler la chair, de                          sorte que l’Homme se multiplie sur Terre. » Mais aussi par un contexte dans lequel l’espérance de vie était plus faible et la mortalité infantile plus élevée. Les personnes en situation de handicap étaient stérilisées de force, contraintes à la contraception, tant la crainte de la reproduction de leur handicap était présente.

 

Libération sexuelle pour tous ?

 

Dans les années 70, alors que la libération sexuelle bat son plein, on envisage enfin la possibilité d’une sexualité plaisir pour les personnes handicapées. « Les avancées de la société en matière de contraception démontrent la capacité d’accepter une sexualité qui n’est pas à but procréatif, puisqu’on va limiter les naissances. On devient donc en capacité d’accepter la sexualité d’individus de même sexe, des personnes âgées, de celles en situation de handicap… », commente Myriam Besse.
 

Ce virage dans la prise en compte de la sexualité des personnes en situation de handicap est également perceptible à l’écran. Ces dix dernières années, plusieurs films ont abordé la thématique : Patients, Intouchables, The Sessions, De Rouille et d’os, ou plus récemment, Tout le monde debout…

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Chapitre 4

Chapitre 2

David Simard est sexologue et doctorant en philosophie à l'université de Paris-Est Créteil. Il prépare une thèse sur la médicalisation de la sexualité. Il a publié des articles universitaires sur la sexualité des personnes handicapées et notamment sur le consentement.

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Maison

Débat nié, ébats bridés

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